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Santé

L’urbaniste bientôt « médecin malgré lui » ? Petit traité pour un urbanisme favorable à la santé...



A l’heure où nos foies tentent de se régénérer bon an mal an après moultes banquets durant les festivités, il serait de bon ton d’appliquer sérieusement ce fameux « dicton » proféré avant chaque lampée : « santé ! »


Rassurez-vous, nous ne sommes pas là pour concurrencer Michel Cymes en parlant des rhumatismes de Mémé ou de la bronchopneumopathie chronique obstructive dont souffre le petit cousin Colin, quoique…Car oui, nous ne sommes pas sans ignorer que la ville a un impact, qu’il soit positif ou négatif, sur notre santé.


Santé, terme issu du latin sanitas signifiant au sens propre quelque chose ou quelqu’un qui se porte bien, qui est entier et au sens figuré, qui est rationnel.


A l’heure où les débats se multiplient autour des enjeux liant santé et environnement, ne devrait-on pas s’interroger pour savoir si nos villes se portent bien, et consubstantiellement, si la manière elles sont pensées et aménagées, est rationnelle pour répondre aux nombreuses problématiques de demain ?


Evaluer la santé d’un individu s’avère une opération complexe, tant cette notion relève d’un caractère multidimensionnel. En effet, la santé s’appréhende à la fois sur un plan physique et psychique. Les indicateurs les plus communément utilisés (espérance de vie, taux de mortalité prématurée, causes de décès…) pour rendre compte de l’état de santé d’une population ne reflètent souvent qu’un aspect de l’une ou de l’autre de ces dimensions. De plus, l’état de santé d’un individu oscille selon différentes temporalités et spatialités. D’où l’importance de contextualiser pour éviter les anachronismes.


Les urbanistes du XIXème siècle largement influencés par le courant hygiéniste se sont attelés à trouver des solutions techniques pour résoudre les problèmes liés à un développement anarchique des villes et à lutter contre un habitat considéré comme pathogène sanitairement et socialement. Conjointement les progrès techniques et les avancées de la médecine ont actionné une transformation profonde de nos sociétés par la généralisation des équipements dédiés à la salubrité. L’approvisionnement en eau courante dans les logements, ainsi que le raccordement aux stations d’épuration ou encore l’aménagement d’usine d’incinération dans le but de limiter la propagation de maladies sont des services assurés par l’échelon municipal.


Il est paradoxal de constater, que bien que la ville ait été considérée longtemps comme l’échelle pertinente d’action en matière de santé publique, son rôle à partir de la deuxième moitié du XXème siècle a été reléguée par la montée en puissance d’un Etat régalien. Bien que le processus de décentralisation soit largement amorcé depuis plus d’une trentaine d’année en faveur d’une territorialisation des politiques publiques, la santé s’avère être une compétence encore appréhendée de manière sectorielle.


En effet, la séparation des fonctions, chère à la Charte d’Athènes (1933) a conduit au zonage de l’espace et le développement du « tout automobile » a créé de nouveaux problèmes sanitaires et environnementaux : augmentation de la pollution atmosphérique et des nuisances sonores, réduction de l’activité physique, perte du lien social, étalement urbain et diminution des espaces agro-naturels, etc. A partir des années 1950, on observe la mise en place progressive d’un cloisonnement des institutions de la santé, de l’urbanisme et de l’environnement.


L’on aurait pu s’attendre à une rémission, suite à la promulgation en 2009 de la loi HPST (hôpital, patients, santé et territoires) donnant la possibilité aux municipalités d’élaborer des contrats locaux de santé (CLS), pourtant les effets escomptés de ce traitement législatif se sont avérés davantage comme des soins palliatifs.


Les enjeux protéiformes que soulèvent la santé nécessitent de sortir d’une vision sectorielle voire même thématisée, pour enfin donner corps à un « urbanisme favorable à la santé ». Prônée par l’Ecole des hautes études de santé publique, une approche systémique se diffuse progressivement au sein des collectivités. Rennes Métropole est ainsi pionnière dans l’intégration des exigences de « l’éco-santé » dans l’élaboration de son Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Plus au sud, Salon de Provence est également en train d’intégré dans le cadre de la révision de son PLU, la prise en compte de la lutte anti-vectorielle ciblant notamment les moustiques tigres.

La santé, en ce qu’elle renvoi tant à l’état intime d’un individu qu’à celui d’une communauté, interpelle le fonctionnement d’un système urbain. Le vocable en atteste, l’emploi du lexique médical pour désigner des objets urbains (« artère principale », « poumon vert », « cœur de ville », « fractures territoriales ») ne serait-il pas le manifeste pour une meilleure prise en compte des interactions de ces différents organes dans un corps fait de béton en proie à de profondes mutations ?


Les questions de santé publique devraient être considérées comme un critère à part entière dans les projets d’aménagement et d’urbanisme au même titre que les considérations du développement durable.


Le concept d’urbanisme favorable à la santé initié par le programme européen des Villes-Santé porté par l’OMS nous invite ainsi à réfléchir la nécessité d’une gouvernance davantage inclusive et collaborative permettant l’expression des besoins et des attentes des usagers de soins, des médecins et des élus locaux.

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