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Allergies


Cimes et châtiments : le pollen, cette graine mal aimée de nos milieux urbains



Si les « forêts urbaines » sont essentielles aux villes de demain, comme nous le rappelle ingénieusement l’article co-écrit par des chercheurs de l’ISYEB, le monde végétal qui compose notre environnement urbain impacte notre santé individuelle et collective, ce qui n’est pas sans interpeller l’action publique, notamment en matière d’aménagement paysager.


A fleur de peau


Comme une procession célébrant les premières floraisons, les rhinites allergiques inaugurent le début du printemps lors que la Nature se réveille réchauffée par les rayons du soleil et se met à danser sous le vent.


« Lorsque je vois une abeille porter le pollen de fleurs en fleurs et perpétuer ainsi la vie, j'ai presque les larmes aux yeux. » (Le Magnifique, Philippe de Broca, 1973).


Si ce terme est entré dans le langage commun, nombre d’entre nous méconnaissent la fonction de cet étrange flocon végétal. Les grains de pollen sont les gamétophytes mâles, ils servent à féconder le pistil des fleurs femelles et sont produits en grande quantité principalement de mars jusqu’à la fin de l’été. Selon l’espèce en question, un mode de dissémination sera utilisé pour assurer la reproduction. Ainsi, le transport des grains de pollen jusqu’aux organes femelles peut se faire par le vent (plantes anémophiles), soit par des insectes (plantes entomophiles).


Mettre la poussière sous le tapis


Issu du grec Palé (πάλη), le terme pollen signifie « poussière » et caractérise l’élément mobile, le spermatozoïde végétal autrement dit, qui est produit par la fleur.


Son rôle fertilisateur serait connu depuis l’Antiquité, comme en témoigne sa description par Pline l’Ancien dans son ouvrage Histoire naturelle, évoquant les pratiques de fécondation artificielle du dattier. Toutefois, aucune définition scientifique n’est à l’époque attribuée, il est surtout fait référence à une sorte de farine ou de poudre blanche. Il faudra attendre la taxonomie de Carl Von Linné en 1762 pour le terme de pollen soit pourvu d’une acception scientifique et désigne officiellement « la matière fécondante des végétaux ». Par ailleurs, les travaux de recherche empirique mettent en lumière le rôle du pollen dans la nutrition des butineurs, qui le transforme ensuite en miel.


Il serait aisé de mettre tous les grains dans le même panier, cependant comprendre avant d’incriminer s’avère nécessaire pour apporter des réponses adaptées à ces maux qui nous irritent le nez. En effet, tous les pollens ne sont pas allergisants pour l’Homme. Seuls les pollens émis par des plantes anémophiles, donc usant du vent pour le transport de leur matériel génétique, ont un pouvoir allergisant. L’allergénicité provient des allergènes enfermés à l’intérieur des grains produits en salves par les fleurs, qui suite à des stimuli exogènes, tel que le contact avec une surface aqueuse ou nos muqueuses, vont être libérés. Un français sur 3 serait allergique au pollen, ce qui se traduit par une réaction du système immunitaire des individus, déclenchant la fabrication d’anticorps IgE dont le rôle est de défendre l’organisme contre ces agents étrangers.

En l’espèce, les bourreaux coupables de nous faire tant pleurer au lieu s’ébaubir du retour printanier s’appellent bouleaux, noisetiers, troènes, platanes et cyprès.


Les petits mouchoirs


Rien de nouveau sous le soleil allez-vous me rétorquer, le pollen a toujours existé…Mais pourquoi vient-on nous rabattre la même rengaine sur les allergies au pollen chaque année ? Un bel ensoleillement en janvier déclencherait une pollinisation précoce, alors qu’un hiver froid avec des périodes de gel retarderait la croissance des plantes. Doit-on faire la guerre à l’astre solaire ? Plutôt nous remettre en question et agir contre le réchauffement. Plusieurs recherches épidémiologiques tentent de démontrer l’impact des changements climatiques sur ces booms allergiques. En outre, l’évolution de nos modes de vies, l’urbanisation effrénée avec pour corollaires l’augmentation de la pollution atmosphérique et la perte de biodiversité en ville sont également des facteurs intervenant dans la généralisation de ce problème de santé publique.


A l’heure où l’on clame avec ferveur l’importance du rôle et de la place de la Nature en ville, la problématique de l’impact de nos plates bandes végétalisées sur notre santé semble paradoxale. Cimes et châtiments, nouvelle tendance du prêt à moucher pour la saison du printemps ?


Pourquoi une telle explosion des pics allergiques ? L’excès d’hygiène et l’aseptisation de nos modes de vies auraient contribué dans nos sociétés occidentales à affaiblir le système immunitaire des individus, suréagissant à des agents extérieurs, qui dans d’autre contexte seraient anodins.


Pléthore de projets urbains affichant sans démesure le sceau de la ville durable viennent en réalité réalimenter une politique néo-hygiéniste qui laisse finalement peu de place pour une « nature naturelle » dans ces écoquartiers accusés d’« insurrection botanique » (Le Couedic, 2011).


Ainsi, l’Ecoquartier Confluence à Lyon est la cible de nombreuses diatribes à cause de son parc urbain aménagé avec des rangées de bouleaux bien alignés. Quid de la biodiversité ?

A l’instar du Réseau national de surveillance aérobiologique (RNSA), qui réalise une carte de vigilance par typologie de pollen et par département, la Métropole de Lyon publie à raison de deux fois par semaine, de mi-février jusqu’à septembre, un bulletin allergo-pollinique face à l’accroissement des pics de plus en plus précoces dans la région.

Ressaisis par la prise de conscience des enjeux climatiques et de nouvelles formes émergentes de végétalisation urbaine, le discours néo-hygiéniste fait des trames vertes, des corridors écologiques et des jardins urbains, les leitmotivs d’une ville qui se veut durable…mais pas toujours respirable…


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